Frida Kahlo


" « Quand je suis arrivée, les tableaux étaient encore à la douane, parce que ce f. de p. de Breton n’avait pas pris la peine de les en sortir. Il n’a jamais reçu les photos que tu lui as envoyées il y a des lustres, ou du moins c’est ce qu’il prétend ; la galerie n’était pas du tout prête pour l’exposition, d’ailleurs ça fait belle lurette que Breton n’a plus de galerie à lui. J’ai donc dû attendre des jours entiers comme une imbécile jusqu’à ce que je fasse la connaissance de Marcel Duchamp (un peintre merveilleux) qui est le seul à avoir les pieds sur terre dans cette bande de cinglés de dingos de fils de pute de surréalistes. Il a immédiatement sorti mes peintures et a essayé de trouver une galerie. Enfin, il y a une galerie qui s’appelle Pierre Colle qui a accepté cette satanée exposition. Maintenant Breton veut exposer avec mes peintures : 14 portraits du 19ème s. mexicains, environ 32 photographies d’Alvarez Bravo et des tas d’objets d’artisanat qu’il a acheté sur les marchés au Mexique, rien que des merdes ! Qu’est-ce que tu dis de ça ? La galerie est censée être prête pour le 15 mars. Mais ... il faut restaurer les 14 huiles du 19ème s. et cette foutue restauration prend un mois entier. Et il a fallu que je prête 200 balles à Breton pour la restauration parce qu’il n’a pas un sou. ( J'ai envoyé un cable à Diego lui racontant la situation et lui disant que j'ai prêté cet argent à Breton - il était furieux, mais maintenant c'est fait et je n'ai rien à faire à ce sujet). J'ai encore de l'argent pour rester ici jusqu'au début de mars donc je n'ai pas trop à m'inquiéter.
Enfin, il y a quelques jours, une fois que tout était plus ou moins arrangé comme je t’ai dit, Breton m’a dit que l’associé de Pierre Colle, une vieille ordure et un fils de pute, a vu mes peintures et a trouvé seulement que deux étaient montrables parce que le reste est trop choquant pour le public. C’est vraiment trop pour mon caractère. J’aimerais mieux rester assise par terre à vendre des tortillas sur le marché de Toluca que d’avoir à faire avec ces salopes artistiques de Paris. Ils s’assoient des heures dans les cafés à réchauffer leurs précieuses fesses, parlent sans arrêt de "culture", de "l’art", de "Révolution", et ainsi de suite, et patin et couffin... Ils se prennent pour les Dieux du monde et ils rêvent les idioties les plus fantastiques et empoisonnent l’air de théorie et de théorie qui ne se réalisent jamais. Mince alors. Le lendemain, ils n’ont rien à manger, vu que pas un seul d’entre eux ne travaille. Ils vivent comme des parasites, aux crochets d’un tas de vieilles peaux pleines aux as qui admirent le « génie ». "

extrait d'une lettre du 16 février 1939 à Nickolas Muray 
à partir d'une écoute d'une émission de france culture
(1er texte lu après la présentation) complétée grâce au site  
cetteadressecomportecinquantesignes 
(si si avec le http et tout et tout ça fait bien le compte...)